27 février 2024 à 00:00
Chaque année, des milliers d'hectares de forêts sont détruits et transformés en terres agricoles. En réponse à ses engagements internationaux en matière de lutte contre le changement climatique, l’Union européenne souhaite protéger les forêts du monde, y compris celles de Madagascar. C’est dans cette optique que la nouvelle réglementation "Zéro déforestation" a été adoptée en juin 2023. Dès 2023, la Délégation de l’UE à Madagascar a entamé un dialogue avec les acteurs du secteur privé et du secteur public du pays pour la présenter et permettre aux partenaires malgaches concernés d’anticiper son entrée en application début 2025.

Limiter l'importation de produits issus de la destruction de forêts

C’est l’objectif de la nouvelle réglementation de l’UE "Zéro déforestation". Pourquoi protéger les forêts à travers cette réglementation ? Parce qu’elles abritent une biodiversité unique. Pourtant, en 30 ans, ce sont 10% de la forêt mondiale qui ont disparu à cause de leur conversion en terres agricoles. Le risque est important pour Madagascar car  le pays a enregistré une perte annuelle d'environ 90.000 hectares de forêts au cours de la dernière décennie. L’évolution constatée a des conséquences dévastatrices sur le changement climatique et les richesses naturelles, dont le pays souffre directement.

Chaque année, l’Union européenne importe environ un milliard d'euros de produits agricoles malgaches, parmi lesquels certains ont été produits sur des terres récemment déforestées. Avec sa règlementation, l’UE veut répondre au refus des consommateurs européens de contribuer à la déforestation importée.

Focus sur la règlementation « Zéro déforestation »

Les filières concernées (cacao, café, soja, caoutchouc naturel, bois, huile de palme, bétail et leurs produits dérivés) devront respecter deux nouveaux critères pour accéder au marché européen. D’une part, la culture des produits concernés ne doit pas avoir causé de déforestation après le 31 décembre 2020.  D’autre part, les produits en question doivent être conformes aux lois nationales malgaches concernant l'environnement, l'utilisation des terres, la protection de l'environnement, les droits de tiers, les droits des travailleurs, etc. La nouvelle réglementation entrera en vigueur au début de l’année 2025. Elle s’appliquera d’abord pour les grandes sociétés importatrices en Europe, puis en juin 2025 pour les plus petites entreprises européennes, qui devront alors s’assurer que les produits qu’elles importent respectent bien les critères imposés par la nouvelle règlementation.

Des échanges pour la coordination de chaque filière

Les participants à la session de dialogue organisée en janvier par la Délégation de l’Union européenne ont souligné qu’une coordination des actions est indispensable pour chaque filière afin d’identifier de manière concrète les mesures à appliquer face à cette règlementation.  Les opérateurs privés sont surtout préoccupés par le délai avant son application. Ils doivent agir rapidement pour ajuster leurs calendriers afin de se conformer aux exigences mentionnées. Les discussions ont mis en lumière plusieurs stratégies envisageables, telles que la promotion et la diffusion des bonnes pratiques agricoles et environnementales.

Les centres de recherche insistent également sur l'importance d'établir un schéma national pour géolocaliser les parcelles de terrain. Cela permettra de délimiter clairement les zones réservées à l'agriculture et les zones forestières à risque dans chaque commune et région.

Au niveau politique, les participants ont souligné la nécessité de développer des stratégies nationales, telles qu'une stratégie de reforestation obligatoire pour les grands producteurs et une politique nationale pour la filière bovine. Ils recommandent également de clarifier les contradictions des réglementations dans la filière bois. Il est impératif que les politiques de chaque filière s'harmonisent et soient coordonnées par les entités responsables respectives. De plus, un engagement local doit être exigé pour accompagner la mise en œuvre de ces mesures.

Les opérateurs privés attirent également l'attention sur le fait que d'autres filières pourraient être concernées à moyen terme, comme les huiles essentielles, dont la demande augmente, le riz et la vanille, qui entraînent des défrichements dans leur pratique culturale.

Enfin, une campagne de communication doit être menée de manière régulière au niveau de l’administration, des groupements, des membres et des producteurs, l’objectif étant de permettre la meilleure anticipation possible des nouvelles exigences liées à la règlementation.

Pour leur permettre d’évaluer les risques et les contraintes, l’UE va organiser plusieurs dialogues avec les acteurs concernés : secteur privé, les différents ministères comme le Ministère de l’Agriculture et de l’Elevage, le Ministère de l’Industrie et du Commerce, le Ministère de l’Environnement et du Développement Durable, ainsi que la société civile, tout au long de l’année. L’objectif est de faire connaître les grandes lignes de cette réglementation, de discuter ensemble sur ses impacts et leurs opportunités pour les filières mais aussi d’envisager les actions d’accompagnement possibles pour cette transition. 

Pour plus d’informations :

https://agrinfo.eu/book-of-reports/deforestation-free-commodities-and-products/

A savoir sur les filières

Bois
L'exploitation du bois est responsable de la conversion de plus de 2 millions d'hectares de forêts par an, soit environ 4 % de la couverture forestière totale à Madagascar. L’exploitation de bois précieux et le charbonnage font partie des causes principales. Même si le MEDD a interdit l’exploitation et l’exportation des bois précieux en 2019, les activités illégales persistent. 

Elevage bovin
Celui-ci contribue à la déforestation à Madagascar car les bovins ont besoin de pâturages pour se nourrir. Les agriculteurs défrichent souvent des forêts pour créer des pâturages. Enfin, les bovins peuvent contribuer à la propagation des incendies de forêt. Selon le World Resources Institute, l'élevage est responsable de 20 % de la déforestation à Madagascar.

Cacao
Les agriculteurs malgaches sont souvent poussés à défricher les forêts pour cultiver du cacao. La demande mondiale croissante de cacao, en particulier celui de Madagascar, reconnu pour sa qualité, incite aussi les agriculteurs à en cultiver sur des parcelles de plus en plus grandes. 

Café 
La culture traditionnelle du café sur brûlis est très destructrice pour les forêts. Les caféiers sont généralement plantés sur des terres déboisées. Les exportations ont cessé en 2021 mais la demande locale est croissante.

Huile de palme
Les plantations de palmiers à huile nécessitent de vastes superficies de terres, qui sont souvent déboisées pour faire place aux plantations. Cette déforestation entraîne la perte des habitats naturels et la disparition d'espèces animales et végétales.

Caoutchouc 
L'exploitation du caoutchouc à Madagascar prit fin dans les années 1920. La destruction de vastes zones de forêt entraîna la disparition de nombreuses espèces endémiques.