Le Parc national de Makira, avec ses 372 470 hectares de forêts humides majoritairement intactes, est l'une des plus grandes aires protégées du nord-est de Madagascar. Cette forêt, riche en biodiversité endémique, couvre cinq districts : Andapa, Antalaha, Befandriana Nord, Mandritsara et Maroantsetra. Les villages environnants dépendent fortement des ressources naturelles pour leur subsistance, dont notamment les animaux sauvages, y compris ceux menacés d’extinction comme les lémuriens. Afin d’y remédier, le Programme de gestion durable de la faune sauvage (en anglais Sustainable Wildlife Management, SWM) aide les communautés à développer des activités plus durables comme la gestion de la chasse et de la pêche, la production ou l’élevage d’insectes, la production avicole et piscicole, et encourage la consommation de viande d'origine domestique plutôt que des espèces sauvages. Les communautés sont formées aux bonnes pratiques de préservation des espèces et aux activités économiques durables pour améliorer leur alimentation.
En parallèle, le programme vise à renforcer le cadre institutionnel et juridique lié à l’utilisation de la faune sauvage, comprenant le transfert de gestion des ressources naturelles aux communautés locales. Huit communautés de base du Parc Makira sont concernées, dont cinq se trouvent dans le district de Maroantsetra et trois dans le district de Mandritsara.
Élevage communautaire d’insectes par les groupes de femmes
Dans le village d’Ambinanitelo, les communautés sont formées à l'élevage d'insectes, notamment le sakondry, un insecte consommé depuis des siècles pour ses valeurs nutritionnelles équivalentes à celles du poulet, du porc ou du bœuf. Cette alternative à la viande sauvage réduit ainsi la pression sur les lémuriens. Malheureusement, ces insectes sont menacés par l’aridité due au changement climatique, à la dégradation des forêts et à l’insuffisance de pluies. Les sakondry sont aussi collectés de manière anarchique, sans considération de leur cycle de reproduction.
Le programme a ainsi développé une initiative communautaire d'élevage d'insectes dans la région de Makira avec des chercheurs et la communauté locale. Des plantes hôtes particulièrement appréciées par l’insecte, comme les haricots de Lima ou tsidimy, sont plantées pour les attirer.
« L’élevage de sakondry peut être réalisé presque partout, même dans de petits jardins, offrant ainsi une source économique et facile d'accès de micronutriments et de protéines supplémentaires qui n'entraîne pas de dégradation des habitats sauvages locaux », souligne Dr Cortni Borgerson, anthropologue du programme.
SWM partage avec les communautés de bonnes pratiques sur la collecte d’insectes et l’agriculture responsable à travers des formations utilisant des méthodes innovantes et interactives. Parmi les 287 éleveurs de sakondry, les groupes de femmes sont principalement actives. Elles formeront d’autres membres de leurs communautés.
Les insectes sont vendus à Mandritsara à un prix variant entre 4 000 et 5 000 Ariary par kapoaka (gobelet pouvant contenir en moyenne 180 insectes). Les productions seront développées dans les prochaines années en vue de l’élargissement du marché
Développer l’aviculture et la pisciculture
Les communautés sont par ailleurs encouragées à consommer des volailles et des poissons au lieu d’espèces sauvages chassées illégalement. Le programme les forme dans ces filières à travers le partage de bonnes pratiques (alimentation, santé animale, hygiène etc.) et la sensibilisation. On compte 106 aviculteurs et 106 pisciculteurs parmi les huit communautés de base. Ils élèvent des poissons comme le tilapia du Nil, le tilapia macrochir et la carpe. Pour les volailles, ce sont des « poulets gasy » de race locale. L’élevage des poissons endémiques est aussi concerné car des espèces comme le paratilapia sont menacées d’extinction. Leur préservation est importante car elles constituent une richesse naturelle pour le Parc de Makira.
Le projet œuvre ainsi à la formalisation de ces filières et envisage de mettre en place un suivi pour la préservation des animaux et leur vaccination (filière avicole).
D’autres initiatives sont également soutenues comme le développement d’associations villageoises de crédit et de caisse d’épargne pour permettre aux populations de faire des investissements. Les communautés de bases participent par ailleurs à la collecte de données écologiques (ex : nombre des populations animales chassées), pour qu’elles maîtrisent elles-mêmes leurs territoires et les ressources naturelles qu’ils abritent. Des équipes font le suivi tous les six mois afin d’évaluer l’évolution de la faune mais également de la flore sauvage comme les bois précieux. Le transfert de gestion des ressources naturelles aux communautés locales est tout aussi important à travers des actions de plaidoyer et des ateliers avec les villageois.
SWM est un programme de gestion durable de la faune sauvage dans les écosystèmes forestiers, de savane et des zones humides. Il est financé par l'Union européenne et cofinancé par le Fonds français pour l'environnement mondial (FFEM) et l'Agence française de développement (AFD), en partenariat avec le Ministère de l’environnement et développement durable (MEDD). L'initiative est coordonnée par un consortium de quatre partenaires : l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), le Centre de recherche forestière internationale et mondial d'agroforesterie (CIFOR-ICRAF), le Centre français de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) et la Wildlife Conservation Society (WCS). www.swm-programme.info/